21 juin : ces drôles de dames

Article : 21 juin : ces drôles de dames
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14/07/2021

21 juin : ces drôles de dames

« …J’avais trouvé là mon pseudo de criminelle. Mon blaze serait donc la Daronne. »

Extrait du film La Daronne

Il est tard, même très tard. En vrai, je n’en sais fichtrement rien ! Mon dernier souvenir remonte à une publicité qui passait à la télévision, juste avant le match France-Hongrie – euro 2021 . Je n’entends aucun bruit, hormis cette voix qui m’a sortie d’un sommeil profond. Je ne bouge pas, j’écoute, elle lit d’une voix douce… Mon livre de chevet ?

– La pauvre, je ne sais pas si elle m’entend, elle doit être épuisée, le médecin avait pourtant dit qu’elle serait réveillée à cette heure-ci. Je vais lui mettre le doigt sur le bouton d’appel, ce sera plus facile pour elle au réveil. Je viens de lire la page 108, je repasserai demain…

Pourquoi mon pouce est-il collé au bouton d’appel ? Qui est cette dame qui lit mon livre en pleine nuit ? Autant de questions que je me pose avant de me replonger dans un sommeil qui ressemble à l’idée que je me fais de l’ivresse. L’anesthésie fait encore son effet, aucun doute possible.

– Bonjour madame, je m’appelle Amélie, je vais prendre vos constantes vitales ce matin… Tout est correct, on vous apporte tout de suite les calmants et votre petit-déjeuner.

Je hoche la tête en signe d’approbation. Ensuite, je me lève, me fraye un chemin jusqu’à la salle de bain en me servant de mes mains pour raser les murs. Je souris. J’ai mal à la tête, j’arrête de sourire. Mon cœur rit ; une fois à l’intérieur, je ne vois rien, je touche à tout pour me repérer et prendre ma douche. Je répète le même exercice pour retourner au lit. Le petit-déjeuner englouti, je me dépêche de rejoindre Morphée qui m’attend sûrement au même endroit. Matin, midi, après-midi, soir, quelle importance ? Le temps ici s’est arrêté. Je me suis fait de nouveaux cachets amis et nous visitons ensemble le pays des merveilles…

– Mais qu’est-ce qu’il est drôle ce livre ! Oh, la pauvre chérie, elle ne fait que dormir. Je me suis arrêtée aujourd’hui à la page 114. À demain.

Elle est de retour ! J’entends sa voix, mais elle me paraît lointaine. Je suis encore à moitié endormie. Elle me caresse affectueusement la main avant de s’en aller…

– Bonjour madame, je suis Myriam. Je vais prendre vos constantes vitales ce matin… Tout est correct, on vous apporte tout de suite les calmants et votre petit-déjeuner. Aujourd’hui, vous n’aurez pas les comprimés blancs, mais uniquement les bleus. Ils sont plus forts.

Je m’abandonne à cette routine sans aucune résistance. Les jours défilent comme les paysages des films à petit budget, jusqu’au jour où :

– Bonjour madame, c’est le grand jour ! Moi, c’est Aurélie, je vais vous aider à préparer votre sortie après la consultation avec le docteur, ce matin.

Dans un sursaut d’énergie, je tends l’oreille… Je la reconnais, cette voix :

C’est vous qui me lisiez le livre chaque soir ? Qui avez fixé mon doigt au bouton d’appel ?

– Vous m’entendiez ? Je vous croyais profondément endormie, je tentais ma chance quand même ! Je suis contente que vous alliez mieux.

– Merci pour toutes ces nuits.

– Mais de rien, ça fait partie de mon boulot de vous aider à sortir d’ici en meilleure forme !

Game changer : BANKSY transforme les infirmières en super-héroïnes dans un tableau qu’il offre aux soignants britanniques.

J’ai récemment subi une opération dite « lourde » (jargon médical). Il nous aura fallu plusieurs consultations : ophtalmologistes, psychologue, anesthésistes et ce sur plusieurs mois, voire années avant de voir l’urgence forcer ce jour arriver. A l’aide de schémas, d’explications diverses et variées, ils ont tenté, à leur façon, d’être rassurants. De tout ce beau monde que j’ai plusieurs fois rencontré, entendu les discours maintes et maintes fois : je n’ai retenu ni visages, ni voix

Mais les voix d’Amélie, Myriam, Breanne et Aurélie, elles, continuent de jouer en boucle, comme une chanson dont on a du mal à se défaire. J’entends Breanne me supplier de prendre le doliprane à la place de la morphine avant le petit-déjeuner ou Myriam, cacher de petits gâteaux dans mon sac à dos, en me répétant que la nourriture de l’hôpital n’est peut-être pas celle d’un hôtel quatre étoiles mais qu’il vaut mieux ça que rien du tout dans le ventre. Comment oublier Aurélie ? La douce Aurélie, qui chaque nuit me faisait la lecture et me scotcha le doigt sur le bouton d’appel pour me faciliter la vie…

Ces personnes, je ne les ai pas vues, je les ai entendues. Il ne m’était pas possible de faire le lien entre leurs visages à leurs noms durant tout mon séjour, mais leurs voix, leurs attentions m’ont accompagné à chaque instant et m’ont apporté un réconfort qu’on ne peut schématiser à l’encre.

Vous avez une connaissance qui exerce la profession d’infirmier, infirmière ? Faites-lui lire ce texte et dites-lui : les patients donnent très souvent l’impression de lancer toutes les fleurs à leurs médecins traitants, mais en réalité, ils en réservent certaines (les plus belles) pour eux : ces hommes et femmes de cœur et d’action. Infinie reconnaissance aux infirmiers et aides-soignants de HFR.

Les mesures restrictives en place dans les hôpitaux suite à la crise du Covid-19 contraignent les personnes hospitalisées à ne pas avoir d'accompagnant sur place ; avec en plus des créneaux horaires de visites très strictes. Je vous laisse donc imaginer la joie d'un patient le jour de sa sortie...
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Commentaires

Viny
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Merci a toutes ces personnes si bienveillantes qui ont permis que je garde mon calme dans cet hôpital qui m'a quasi tourné en bourrique. Reconnaissance éternelle...

mandanye
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ahahahhahaha ! merci aux infirmières à domicile également ^^