16/06/2016

Souvenirs d’enfance

Pour les besoins d’un exercice, je devais me remémorer des souvenirs d’enfance – j’en ai tellement ri intérieurement que je me suis décidée, finalement, à les partager avec vous. L’utilisation du pronom « tu » n’est que pur choix stylistique.

Enfant, tu regardais tes petites copines « couper des feuilles » pour imiter leurs mamans à la cuisine, « les filles vous jouez à quoi aujourd’hui? » « On va préparer de la sauce « kplalalala »* La scène se déroulait toujours en version rapide dans ta tête, cette image où tu les vois attroupées à simuler la préparation de la sauce, disposer les poupées, les assiettes de dînettes et faire comme à la maison… Retour à la réalité : toi tu avais sans doute bien mieux à faire, t’adonner à des jeux plus dangereux, par exemple, ou te balancer dans les arbres et reproduire une pâle copie de Tarzan, sans short en peau de léopard, ou encore abattre de pauvres oiseaux dans le ciel avec une corde rouge rigide rattachée à un bout de bois en forme d’ « Y » communément appelé « lance-pierre ». 

Mais avant, il fallait que ton frère réussisse à convaincre sa bande de laisser sa pénible sœur les suivre. Tu observais la scène de loin, jusqu’à ce que le « ok » te soit donné d’approcher, et enfin tu pouvais gambader dans les rues du quartier. Le pire dans tout cela, c’était bien sûr les midis, lorsque, sous le soleil brûlant de 14 heures, tu te retrouvais à compter tes billes, à attendre d’en gagner encore plus ou à accepter de te séparer de tes préférées s’il t’arrivait de perdre au jeu. Et voilà que ton père arrive, ne sachant plus trop quoi faire de cet enfant qu’il appelait désespérément « ma fille », juste pour se rassurer que tel était bien encore le cas. Quand il était furieux, il décidait de te consigner à la maison.

Au début, l’envie te venait de pleurer, mais dans les secondes qui suivaient ton imagination débordante prenait le dessus, et, bien que cela était interdit, tu te rappelais alors que le salon s’averait être un très bel espace de jeux finalement. Tu ramenais donc des capsules, du savon, du papier, des stylos et un bout de papier aluminium ; les plus aguerris d’entre vous auront tout de suite reconnus le jeu : « Tek-tek »* ! En moins de cinq minutes, ton frère et toi transformiez cet espace décoré de carreaux 2×2, en terrain de football gazon synthétique, avec les commentaires et les bruits du stade. C’était ensuite autour de la mère d’entrer dans la place pour se plaindre du vacarme et pour vous expulser de la maison, comme il se doit. Quoi demander de plus? Vous n’attendiez que cela, vous en profitiez pour vous déclarer la guerre, fouiller dans du sable, pour ensuite vous faire taper sur les mollets (solé-mollet).

Après avoir dépensé toute cette énergie, il vous arrivait de vous rappeler qu’il fallait prendre un bain pour sentir aussi bons et paraître aussi propres que les enfants qui sont dans les publicités à la télévision. C’était donc, avec beaucoup de regrets, que vous disiez au-revoir à la nuit tombée, lui promettant qu’un jour, vous auriez, vous aussi, le droit de vous promener le soir, comme les grands. J’ai volontairement omis de mentionner les cartes collector « Panini » à coller dans les magazines. Vous relater l’histoire de ces cartes et leur « ’odeur » toute particulière, nous prendraient un paragraphe tout entier #Passons.

Panini-America-logo

Rassurez-vous, tout ceci est bien loin dernière nous, aujourd’hui je suis une jolie jeune fille comme dans les magazines. J’aime cuisiner pour mes proches et je peux me mettre à hurler comme une furie lorsque l’occasion se présente de paraître fille-fille. Celle-là même qui « adore » maintenant perdre « huit heures » de son temps (voire plus) entre les salons de coiffure et de pédicure/manucure, pour, la plupart du temps, écouter des discussions qui n’apportent pas grand-chose à l’évolution de la planète. Et, quand l’inspiration me prend et que les discussions m’ennuient, je m’amuse à me faire oublier sous le casque à cheveux, histoire de ne pas trop me faire remarquer et afin d’éviter d’écouter ce qui se dit qui ne m’intéresse pas plus que ça. Mon record personnel a été d’avoir passé deux heures de temps sous le casque. La coiffeuse, bien-évidemment emportée par la causerie, avait oublié que mon cuir chevelu était en contact direct avec cette machine qui peut débiter jusqu’à 200 degrés de chaleur. Toute confuse, elle ne cessait de s’excuser à chaque seconde qu’elle passait le peigne dans mes cheveux, jusqu’au moment où je lui confiai que ce n’était pas si grave que cela, en fait j’avais préféré ce moment à celui où j’étais physiquement présente avec le reste des clientes du salon, à les écouter bavarder encore et encore. Elle avait l’air choqué – je pense – elle avait arrêté de me coiffer.

Aujourd’hui, je prends le temps de faire des gommages de corps, pour oublier le nombre de fois où mes genoux ont traîné dans la poussière ou sur le dallage non lissé de la cour de mes parents. Peut être que cela aidera mon père à se dire qu’on aurait pu un jour tenter le concours Miss #EnormeDigression et mon mari ne remarquera ainsi sûrement rien de ce passé pas très esthétique. Maintenant, je feins de ne pas tout comprendre au football, au basket-ball ou au tennis ou du moins j’essaie de m’adapter aux personnes que j’ai en face de moi. Comme ces filles que je rencontre parfois dans des endroits populaires, en train d’assister à des rencontres sportives auxquelles elles ne comprennent absolument rien ; solidarité de couple ; alors qu’elles donneraient bien tout l’or du monde pour être affalées dans leur divan à regarder une télé-novela quelconque à la place. J’essaie de me dire que c’est le même effet que je ressens à chaque fois que je dois me rendre dans un salon de manucure-pédicure et qu’après avoir calculé le temps mis,  j’aurais pu achever de lire un livre par exemple ; solidarité féminine.

Rassurez-vous, tout ceci c’est maintenant le présent, je suis une jolie jeune fille comme dans les magazines, qui aime cuisiner pour ses proches et qui peut se mettre à hurler comme une furie lorsque l’occasion se présente de paraître fille-fille. Je fais même mieux, je m’affuble de rose, parfois !

kplalala = sauce ivoirienne à base de feuille

Tek-tek = jeu de billes populaire dans l’enfance

M.D.

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